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Passage du canal de l’Ailette



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En même temps que la IIIe armée doit marcher sur Noyon par la rive droite de l’Oise, la Xe armée, toujours sous les ordres du général Mangin, reçoit de notre haut commandement la mission de rompre le front ennemi entre l’Aisne et la forêt de Saint-Gobain, d’enlever le plateau de Laffaux, puis de se porter vers le nord-est de façon à faire tomber les lignes de l’Aisne et de l’Ailette. Le 7e corps doit couvrir la gauche de l’attaque du côté de la forêt de Saint-Gobain, en franchissant d’abord le canal de l’Oise à l’Aisne ainsi que l’Ailette, puis en rejetant l’ennemi aux lisières de la forêt entre Barisis et Brancourt inclus. L’offensive sera entamée le 29 août au matin.
Au cours de la période qui s’étend du 24 au 28, le secteur et le dispositif de la 48° division ont été modifiés. A partir du 27, cette grande unité a sa zone d’action limitée au nord, par la ligne incluse Blérancourt, moulin du Bartel, Praast, Barisis ; au sud, par la ligne incluse Franc Val, Quincy-Basse, hauteurs de Folembray. Elle est encadrée à droite, par la 33e division (7e corps), qui a relevé la 55e division à gauche par la i32e division (18e corps), qui a relevéla 2e division marocaine. D’autre part, son front n’est plus tenu que par deux régiments, 13e tirailleurs à droite, les zouaves à gauche. Le 9e tirailleurs, ainsi que les 43e et 75e bataillons sénégalais qui ont été rendus au général Schuhler, sont stationnés en deuxième ligne.
Le général Massenet donne dans la matinée du 27 août ses premiers ordres en vue de l’action projetée. Le 7e corps attaquera dans la direction générale de Saint-Gobain, par divisions accolées (de la droite à la gauche 2e, 33e, 48e divisions). Une première phase consistera dans le passage du canal et de l’Ailette, exécuté aussi vite que possible par l’infanterie, à gué ou sur des passerelles légères ; par l’artillerie, sur un pont léger établi dans un délai de cinq heures. Au cours d’une deuxième phase, les 2e et 33e divisions enlèveront Coucy-le-Château, la 48e division occupera les hauteurs de Folembray. Après quoi, la 2e division prendra comme objectif la ferme la Faux ; la 33e division, la ferme Rozière ; la 48e division, l’arbre de Barisis et la ferme le Buin. La 132e division, aile droite du 18e corps, doit lier son mouvement à celui de la 48e division et attaquer en direction de Pierremande. La 48e division mettra un bataillon à la Rue de Noyon en réserve de corps d’armée, une compagnie du 78e territorial à la disposition de la 33e division.
L’offensive devait tout d’abord être déclenchée à 3 heures le 29. A la suite d’une conférence tenue par le général Massenet à son poste de commandement et à laquelle assistent les commandants de division ainsi que le général Mangin, il est décidé, sur la proposition du général Schuhler, que le passage du canal et de l’Ailette sera tenté en pleine nuit, condition estimée en fin de compte indispensable pour la réussite de cette délicate opération. En conséquence, le début de l’action est fixé à zéro heure le 29, après une préparation l’artillerie de vingt minutes aussi violente que possible. Dès le 26, le général Schuhler a donné quelques instructions préparatoires en vue de l’attaque imminente. Ainsi désigné sur la carte au 80.000°, dénommé Orme de Barisis sur les plans directeurs, l’infanterie aménagera une base de départ voisine du canal pour trois bataillons au minimum, et reconnaîtra les positions ennemies ; l’artillerie poussera en avant les batteries et les munitions, et placera le plus possible de canons de tranchée le long du canal ; le génie préparera le matériel nécessaire à la construction d’au moins 10 passerelles sur le canal et l’Ailette, ainsi qu’à l’établissement d’un pont pour l’artillerie de campagne. Après avoir reçu les instructions du corps d’armée, le commandant de la 48e division établit le 28 son plan d’engagement.
L’effort principal sera fait par la droite, dans la direction Folembray, ferme le Buin. La division aura en première ligne deux régiments et un groupe de deux bataillons sénégalais 13e tirailleurs à droite, Sénégalais au centre, 1er zouaves à gauche ; en deuxième ligne, un régiment, le 9e tirailleurs, qui suivra les traces du 13e tirailleurs.
Après avoir franchi Je canal et l’Ailette, les deux régiments de première ligne contourneront Champs, le 13e tirailleurs par le sud, le 1er zouaves par le nord ; ils s’efforceront de progresser aussi vite que possible, le 13e tirailleurs dans la direction de Folembray, le 1er zouaves droit vers la route nationale n° 37. Entre les deux, le groupe sénégalais attaquera de front Champs avec un bataillon, le 43e, qui nettoiera le village et en constituera la garnison ; l’autre bataillon, le 75e, d’abord en arrière du 43e, puis le dépassant, poussera jusqu’à la verrerie de Folembray. Au nord-est de celle-ci, le 13e tirailleurs et le 1er zouaves resteront seuls en ligne.
La division disposera de son artillerie organique, de trois groupes de 75 porté, d’un groupe de 220 T. R. et de pièces de tranchée de divers calibres, soit au total de 24 batteries de 75, 3 batteries de 155 C. S., 2 batteries de 220 T. R.,2 batteries de 58 T., une demi-batterie de 150 T., une batterie de 240 T.
A la tombée de la nuit, des reconnaissances de la force d’une section chacune seront, sur tout le front, poussées si possible au delà du canal ; elles rendront compte de leurs observations à 23 heures. De 23 h 40 à zéro heure, une préparation courte et brutale, en particulier d’artillerie de tranchée, détruira les organisations adverses au delà du canal ; toutefois les mitrailleuses signalées sur la berge, au sud-ouest de Champs, devront être contrebattues par les engins d’accompagnement d’infanterie. Pour permettre ces tirs, l’infanterie se tiendra pendant leur exécution à 200 mètres au moins en deçà du canal.
Le franchissement du canal et de l’Ailette sera commencé le 23 à zéro heure. Les compagnies de tête seront passées sur le canal par des va-et-vient de radeaux sacs Habert (10 hommes par radeau). Ensuite sera emmené le matériel de franchissement de l’Ailette et des rigoles de dérivation (passerelles légères de 7 mètres et de 4 mètres), qui sera aussitôt mis en œuvre par les sapeurs de la compagnie du génie 15/12. Les va-et-vient continueront à transporter les troupes, jusqu’au moment où les passerelles qu’établira la compagnie du génie 15/62 sur le canal seront utilisables.
Chacun des deux régiments d’artillerie de 75 aura un groupe en appui direct sur le front du 1er zouaves et un sur le front du 13e tirailleurs, plus un groupe en superposition sur l’ensemble du front de la division. Chacun des trois groupes de 75 organiques de la 48e division se portera jusqu’à proximité du canal lorsqu’il arrivera au cours du barrage à la hausse de 7.000 mètres. De 23 heures à zéro heure, tir avec obus toxiques et explosifs. De zéro heure à 1 h 20, barrage fixe d’obus explosifs et fumigènes ; en même temps, tirs de ratissage par les groupes en superposition.
A 1 h 20, le barrage, assis à 200 mètres à l’est du canal, se reportera à 200 mètres à l’est d’une ligne passant par les extrémités nord-est du Marais-Lissandre, de Champs et de Courbesseaux ; l’infanterie, franchissant l’Ailette, s’emparera de ces localités. A 2 h 30, elle débouchera de la ligne ci-dessus indiquée, à la vitesse de 100 mètres en quatre minutes et poussera jusqu’à la route nationale n° 37 et Folembray. Au delà, les tirs d’artillerie auront lieu à la demande de l’infanterie.
L’artillerie lourde appuiera l’attaque dans les conditions suivantes. Le groupe de’155 C. S. tirera de 23 h 40 à zéro heure, sur le Marais-Lissandre, Champs et Courbesseaux ; de zéro heure à 2 h 30, sur Praast, la corne sud-ouest de la forêt, le Bois des Vaches, Bois de Midi, les Prés Houes ; de 2 h 30 à 3 h 10, sur la route nationale n° 37 et Folembray ; de 3 h 10 à 4 heures, sur la croupe au nord de la verrerie de Folembray ; à 4 heures, une batterie sera portée le plus près possible du canal, et les autres batteries la rejoindront dès qu’elle sera installée. Le groupe de 220 T. R. tirera de 23 h 40 à 3 h 30, sur Folembray et sa verrerie ; de 3 h 30 à 4 heures, sur le plateau de l’arbre de Barisis. Quant à l’artillerie de tranchée, elle dirigera son feu sur l’Ailette et sur Champs de 23 h 40 à 23 h 55 ; sur Praast et la corne sud-ouest de la forêt, de 23 h 55 à 2 h 30.
Le 9e tirailleurs aura un bataillon en réserve d’infanterie divisionnaire dans la région de Trosly-Loire, un bataillon en réserve de division dans la région de la ferme la Cour du Val, un bataillon en réserve de corps d’armée dans la région de la Rue de Noyon. Après le franchissement du canal et de l’Ailette, les bataillons de première et de deuxième ligne prendront en marchant une distance de 500 mètres. Les liaisons aux ailes seront assurées par des détachements mixtes, comprenant chacun une demi-compagnie d’infanterie avec une section de mitrailleuses, et marchant à hauteur des bataillons de deuxième ligne.
Deux groupements de deux batteries d’une compagnie de mitrailleuses chacune seront constitués pour exécuter de zéro heure à 0 h 45 des tirs de harcèlement et d’interdiction à longue distance sur Praast, la corne sud-ouest de la forêt, le Bois des Vaches, Bois de Midi, les Prés Houes. A 0 h 45, les compagnies de mitrailleuses rejoindront leur bataillon.
En ce qui concerne le génie, la compagnie 15/12 marchera avec les compagnies d’infanterie de tête ; elle réparera et mettra en œuvre les radeaux sur le canal, ainsi que les passerelles sur l’Ailette et les rigoles de dérivation ; la compagnie 15/62 établira les passerelles pour l’infanterie sur le canal, plus une passerelle pour voitures légères à Quincy-Basse. Le 75e bataillon sénégalais mettra une compagnie à la disposition du génie, et le 78e territorial, trois sections.
La cavalerie divisionnaire fournira deux pelotons de spahis pour l’escorte des prisonniers ; un peloton et demi sera attribué au commandant de l’infanterie divisionnaire ; le reste sera à la disposition du commandant de la division. Le bataillon du 78e territorial mettra une compagnie à la disposition de la 33e division, une compagnie à la disposition du commandant de l’infanterie divisionnaire, trois sections à la disposition du génie, ure section à la disposition du commandant du détachement télégraphique, une compagnie à la disposition du commandant de la division.
Le poste de commandement du général Schuhler sera à la creute des Crocos (1.600 mètres sud-sud-est de Blérancourt) celui du général de Susbielle, à la creute à 700 mètres ouest de Saint-Aubin. Il est interdit de se servir du téléphone au delà des postes de commandement avant 23 h 40.

La Revue militaire française, le 1er octobre 1926


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