Les petits aventuriers (suite)
Nous avons dit que deux jeunes Follembrayois, André et Louis, fils d’ouvriers de la verrerie, avaient pris la clef des champs pour courir le monde à la recherche d’aventures et de la fortune.
Quinze ans, cent sous en poche et des illusions, avec cela on croit aller loin.
Et nous disions aussi que les parents n’avaient pas à se désoler et que la faim qui chasse le loup (du bois ferait rentrer dans ceux de Folembray les jeunes estomacs fugitifs.
C’est fait. Du Bond-d’Orléans dans la forêt de Saint-Gobain, André et Louis avaient gagné Calais et là ils avaient pris passage a bord du « Calais-Douvres ». Le grand voyage commençait !...
Mais à Douvres, on s’étonna de voir ces deux jeunes gens voyager sans bagages. On les interrogea ; ils durent avouer qu ils manquaient de papiers, de recommandations, et. enfin, de moyens d’existence. On les déclara « indésirables » et du plancher des vaches anglaises, ils repassèrent sur celui du paquebot.
Dès lors, ce furent, sur les routes du Nord, de longues marches d’entraînement. Nos deux globe-trotters se trouvèrent, un beau jour, à Fourinies, d’où ils adressèrent à leurs parents une première lettre, très ferme, pour leur réclamer des papiers qui leur permettraient de trouver du travail.
Le beau-frère d’André prit immédiate ment le train et gagna Fournies. Mais quand il\y arriva, les deux fugitifs s’étaient globe-trottés. On les signalait à Momignies ; leur avance était telle que la poursuite devenait difficile. On l’abandonna.
Vendredi, les parents recevaient de nouvelles lettres contenant cotte fois des de mandes d’argent André et Louis indiquaient qu’ils se trouvaient à Charleville et priaient qu’on voulût bien leur répondre dans cette ville, poste restante, pour le samedi matin. Ils affirmaient que leur résolution de ne pas rentrer à Folembray était formelle et que tente tentative de rapatriement échouerait. L’un des jeunes gens parlait même d’une fiole de laudanum qu’il possédait et dont il ferait usage contre lui-mème, si par surprise on matait sa résolution.
Le commissaire de police de Charleville fut cette fois prévenu. Samedi matin, il cueillait les deux errants à la Poste de Charleville et les faisait amener à son bureaux où il leur fit un peu de morale, mais en douceur.
Peu après la famille était avertie et allait prendre livraison des enfants qui, de puis dimanche, ont réintégré le bercail familial et l’atelier.
Ce sera un joli souvenir pour eux. Ils le raconteront plus tard à leurs enfants, en se blâmant bien entendu pour qu’on ne soit pas tenté de les imiter, mais en en tirant vanité tout de même et ils termineront ainsi : Si on nous avait laissé faire, peut-être que nous serions maintenant millionnaires... Qui sait !
Journal de la ville de Saint-Quentin et de l’arrondissement, le 20 juin 1914